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Interview/ Yagba Yaka Marie : « Femme kroumen (...), vous pouvez faire mieux que ce que vous faites... »






Brisant les chaines d'un postulat bien connu au sujet des femmes kroumen, YAGBA YAKA MARIE, peut être fière d'elle. Son parcours en dit long sur sa personne, et ses valeurs sociales présagent les qualités d'une mère pas comme les autres . Quelle personalité se cache derrière cette toge?

1-Pour nos lecteurs qui ne vous connaissent pas qui est Tanty Marie ? YAGBA YAKA MARIE TANTY est née le 03 Avril 1984 à Bondoukou d’une famille modeste. Mon père était instituteur et ma mère ménagère. J’ai trois frères et trois sœurs. Je suis pharmacienne de profession, et j’ai obtenu mon Doctorat en sciences pharmaceutiques et biologiques le 02 Décembre 2016. J’ai fait mes études secondaires au Lycée Moderne Inagohi de San pédro lesquelles ont été couronnées par un Baccalauréat Série C . J’ai obtenu mon BEPC au Collège Moderne de TABOU. Je suis inscrite actuellement à l’université JEAN Moulin LYON 3 ou je prépare mon MASTER en Management commercial et international. Je suis une femme battante, réservée serviable mais rigoureuse. 

  2-Vous êtes la première femme Kroumen docteur en pharmacie, qu’est-ce que cela vous fait d’être aussi bien rentrée dans l’histoire ? 
 Être docteur en pharmacie aujourd’hui est le couronnement d’un choix que j’ai opéré depuis ma classe de 3ème. Et depuis cette date je n’ai pas changé d’avis C’est une fierté d’avoir pu réaliser mon rêve. C’est aussi un engagement et une responsabilité, car j’ai toujours voulu me mettre au service de la population et être un exemple au sein de ma génération mais surtout honorer mon père.

  3. On peut deviner aisément que pour en arriver là rien a dû être facile. Pouvez-vous nous parler brièvement des difficultés qui ont émaillé votre parcours et comment vous avez réussi à les dompter? 
 Effectivement, pour en arriver là rien, n’a été facile. Je suis issue d’une famille modeste, qui à cause de sa situation financière n’a pas trouvé d’intérêt à ce que je fasse de longues études. Mais avant d’en arriver là, j’ai fait mes études loin de mes parents, ayant vécu chez des tuteurs et supporté de nombreux caprices et des difficultés que bon nombre d’élèves rencontrent aujourd’hui. Malgré tout cela, je me suis promise d’aller jusqu’au bout, et ça été un défi pour moi et je vous assure qu’il fallait allier distance pour aller à l’école, les tâches ménagères et les études ; et j’avoue que ça n’a pas été facile parce que les heures que je devrais consacrer aux études, je les partageais entre les tâches ménagères que je devrais réaliser pour mes tuteurs du fait que je suis une femme et à la fois me consacrer à mes études. Face à toutes ces difficultés, j’ai gardé le courage qui m’a permis d’être major de ma promotion jusqu’au second cycle, où mon père décide que j’habite seule afin de mieux me consacrer à mes études Et à partir de la classe de seconde, je me suis prise en charge, et c’est dans ces conditions que j’ai obtenu le BAC qui pour moi fut une opportunité de réaliser mon rêve d’être pharmacienne. Mais mon choix n’avait pas fait l’unanimité au sein de toute la famille parce que mes parents estimaient que, faute de moyens de leur part, ils n’arriveraient pas à assumer ces longues études de pharmacie. Cependant, ils m’ont donc proposé de me limiter à un concours de la fonction publique qui me permettrait de vite travailler. C’est ainsi que j’ai soumis le problème à mon frère aîné qui, ayant vu ma volonté et ma détermination de réussir, a pu convaincre mon père tout en me faisant promettre de passer quand même le concours de Sage-femme. Malgré mon succès à ce concours, j’ai tenu à poursuivre les études universitaires émaillées de grèves et de trois ans d’arrêt de cours dû à la situation socio-politique ce qui m’a obligée à faire dix ans d’études au lieu de sept ans. Mais la volonté d’aller jusqu’au bout a pris le déçu et aujourd’hui c’est le couronnement. 

  4-Quel conseil aimeriez-vous donner aujourd’hui à ces jeunes dames qui sans doute aimeraient s’inspirer de vous ?
Le premier conseil que je voudrais bien donner aux jeunes demoiselles, c’est d’abord le courage, l’abnégation, la volonté et la rigueur dans tout ce qu’elles font. La confiance en soi, et de pouvoir prendre des engagements fermes, et se donner les moyens pour y arriver .C’est en cela qu’elles peuvent réussir. Ne pas compter sur les autres. C’est vrai que les moyens peuvent venir de nos parents mais seul le travail, le sacrifice de soi donnent des résultats probants. Par-dessus tout le respect.

  5- C'est un secret de polichinelle, peu de femmes kroumen occupent des postes de décisions tant au niveau national que local. Et l'impact des femmes kroumen dans le développement économique et social de la région loin d'être nul est quand même loin des espérances. Un commentaire ?
Au-delà de la femme kroumen, les femmes en général sont très peu représentées dans les instances de décisions, ce n’est donc pas une question qui est forcément liée à la femme kroumen. Cependant, il est vrai que les femmes Kroumen sont peu représentées aux postes de responsabilité. Cela est dû au fait que le peuple kroumen est un peuple en minorité, de surcroit les femmes. Aussi, celles qui ont la chance d’aller à l’école et qui arrivent aux études supérieures sont peu nombreuses. C’est un peuple qui n’a pas eu l’habitude de côtoyer les autres du fait de sa situation géographique, mais l’éveil de conscience a permis à ce peuple de rentrer en contact avec la modernité dont la scolarisation, Notre environnement socio-économique et nos habitudes culturelles n’ont toujours pas permis à nos parents de scolariser les enfants, mais aujourd'hui les mentalités changent. 

  6.Et comment y remédier selon vous ?
Promouvoir la scolarisation de la petite fille Kroumen, les encourager jusqu’ à atteindre un niveau supérieur. Et pour atteindre ce niveau, cela suppose qu’il faut se donner les moyens d’y arriver. Cela suppose également un bon suivi scolaire des filles dont la responsabilité incomberait aux parents. Sensibiliser les parents à mettre en priorité l’éducation des enfants sans distinction de sexe et encourager les femmes à aller aussi loin malgré leur statut social. Cela demande beaucoup de sacrifices, pour faire de longues études cela suppose qu’il faut se marier tard, avoir des enfants tard, c’est rempli d’embûches. Si les filles Kroumen sont suivies , si les infrastructures sont mises à leur disposition et si elles sont sensibilisées sur ce qu’ elles peuvent faire comme formation , je pense qu’elles peuvent aller loin dans leurs études leur permettant d’accéder aux postes de responsabilités qu’elles méritent. 

  7- En tant que pharmacienne quel serait votre apport ? 
Mon apport c’est d’abord de servir d’exemple surtout montrer le bon exemple. Faire ma promotion auprès de mes sœurs, leur montrer mon épanouissement, les encourager à faire comme moi. Pour moi, c’est partager avec elles. Répertorier toutes les femmes de la région qui ont un niveau d’études élevé. Aller en milieu rural pour sensibiliser les parents à encourager la petite fille à faire des études supérieures.

  8. Une projection, comment voyez-vous la femme Kroumen à l'horizon 2030 ? 
Je vois la femme Kroumen à l’horizon 2030 comme une femme battante étant donné que la femme Kroumen est caractérisée par le courage. Il faut simplement qu’on lui explique les choses, qu’on l’oriente, et qu’on la mette sur le bon chemin. Il faut les organiser afin de s’inscrire facilement dans le tissu économique parce que les mentalités changent et les générations avancent. C’est à ce seul prix qu’on pourra avoir une femme Kroumen, émergente à l’horizon 2030. 

  9. Votre mot à l'endroit de toutes les femmes, en particulier les femmes kroumen 
 Femme kroumen de Tabou, San Pédro, Bereby, Grabo ; vous êtes battantes, vous êtes capables de beaucoup de choses et vous êtes intelligentes. Vous pouvez faire mieux que ce que vous faites actuellement. Exprimez- vous quel que soit le métier que vous exercez, surtout, encouragez vos enfants filles à aller loin.Suivez vos enfants jusqu’au-delà de vos espérances. Ne soyez pas seulement des femmes à intégrer un foyer sans niveau d’étude mais sachez aussi que vous pouvez être non seulement de bonnes mères mais aussi de bonnes épouses avec un doctorat, une maitrise, une licence etc.et être capable d’apporter votre contribution au développement de votre pays tant sur le plan économique que social. Avec peu de moyen on peut avoir de grands diplômes et moi j’en suis un exemple palpable. Je vous encourage. Je suis née d’une famille modeste, je n’ai pas eu besoin de grands moyens pour en arriver là, j’ai seulement accepté de surmonter certaines difficultés et de faire le sacrifice. Nous qui sommes déjà arrivés loin, associons-nous pour aider nos cadets à faire mieux que nous. Je vous remercie!


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